Le véritable message de la COP30 : le Scope 3 définira la décennie à venir 

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Lauriane Audouy

Published: 

11 December 2025

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L’action climatique dépend désormais de données crédibles, de facteurs d’émission partagés et d’une collaboration sectorielle renforcée. 

La COP30 n’a pas abouti à une percée sur la sortie des combustibles fossiles, les systèmes alimentaires ou la décarbonation industrielle. Elle a toutefois confirmé quelque chose d’encore plus déterminant pour la transition réelle. L’agenda climatique mondial est entré dans une phase où la mise en œuvre n’est plus limitée par la volonté politique, mais par la qualité des systèmes de données qui soutiennent la prise de décision. Les négociations ont rappelé que l’action climatique dépend désormais de ce qui se passe loin de Belém ou de Bonn : dans les réseaux de fournisseurs, les écosystèmes industriels et les bases de facteurs d’émission qui sous-tendent chaque empreinte carbone et chaque plan de transition. 

Autrement dit, la prochaine décennie sera définie par la capacité à comprendre et à agir sur le Scope 3. C’est là que s’accumulent les risques, que se crée ou se perd la valeur, et que se situent la plupart des leviers de décarbonation. Mais c’est aussi là que les méthodes divergent, que les données sont les plus fragiles et que de nombreux secteurs manquent encore des bases communes nécessaires pour avancer. 

Le Scope 3 n’est plus qu’une catégorie de reporting : c’est l’architecture de l’économie réelle 

La majorité des risques climatiques, des émissions et des opportunités se situe dans le Scope 3. Ce n’est pas nouveau, mais la COP30 a rendu cette réalité impossible à ignorer. Sans données crédibles sur le Scope 3, les pays ne peuvent pas planifier leur stratégie industrielle, les financiers ne peuvent pas évaluer les risques de transition, et les entreprises ne peuvent pas hiérarchiser leurs plans d’action. L’économie réelle ne se décarbone pas en marge : elle se décarbone dans les matériaux, les composants, les systèmes de transport, l’énergie utilisée pendant la durée de vie des produits et leur fin de vie. 

C’est pourquoi le Scope 3 représente à la fois la plus grande opportunité et le plus grand obstacle. L’opportunité réside dans l’activation de leviers à fort impact tels que l’efficacité matière, l’écoconception, l’engagement des fournisseurs ou l’optimisation sur la durée de vie. L’obstacle vient du fait que la plupart des secteurs fonctionnent encore avec des facteurs d’émission incomplets, des pratiques de modélisation incohérentes et des données fragmentées qui empêchent toute comparabilité. 

Les facteurs d’émission deviennent des actifs stratégiques 

Chaque décision climatique dépend d’un facteur d’émission. Le choix des matériaux, la conception d’un composant, la comparaison entre technologies, la priorisation des investissements, l’évaluation des performances des fournisseurs ou la construction d’une feuille de route reposent tous sur une valeur représentant l’impact d’un élément. Lorsque ces valeurs sont incohérentes ou incomplètes, les décisions perdent en intégrité. 

Dans nos mandats, trois problématiques reviennent systématiquement : 

  1. Les entreprises ne savent pas quels facteurs d’émission utiliser ni comment interpréter les écarts.   
  1. Les fournisseurs disposent de capacité limitée pour produire des données de qualité pouvant circuler dans la chaîne de valeur.   
  1. Les secteurs manquent de facteurs de référence partagés permettant aux acteurs de se comparer sur une base commune. 

La conséquence est prévisible : les organisations passent plus de temps à réconcilier des méthodes qu’à réduire leurs émissions. Les scénarios varient selon l’analyste. Les parties prenantes peinent à comprendre ce qui influence les résultats. Et surtout, des décisions stratégiques sont prises dans une incertitude qui pourrait être évitée. 

Construire des bases de données de facteurs d’émission fiables, transparentes et alignées sectoriellement n’est donc pas un détail technique. C’est le fondement de plans de transition crédibles. 

Pourquoi des ACV à grande échelle deviendront indispensables 

La COP30 a rappelé que l’économie mondiale ne se transformera pas par des engagements nationaux seuls. La transition se fera par les produits et services — donc par des choix de cycle de vie. Les ACV sont aujourd’hui utilisées comme outils de diagnostic, mais leur rôle va s’élargir. Dans la prochaine décennie, elles deviendront : 

  • des intrants standards pour les stratégies industrielles ;   
  • des outils décisionnels pour les achats et la conception ;   
  • des outils de comparaison pour les financiers et les régulateurs ;   
  • la base d’une action crédible sur le Scope 3.   

Pour jouer ce rôle, les ACV doivent devenir évolutives, cohérentes et interopérables entre entreprises. Cela n’est possible que lorsque les secteurs se mettent d’accord sur des règles communes, des structures de données partagées et des choix de modélisation transparents. 

La montée des initiatives sectorielles précompétitives 

Beaucoup de secteurs travaillent encore en silo. Chaque entreprise construit son propre jeu de données, son propre modèle, sa propre interprétation du Scope 3. C’est inefficace et cela ralentit tout le monde. Les secteurs les plus stratégiques évolueront vers une collaboration précompétitive, car seule une action collective peut produire : 

  • des bibliothèques de facteurs d’émission partagées ;   
  • des conventions de modélisation harmonisées ;   
  • des questionnaires fournisseurs alignés ;   
  • des processus de données réduisant la fatigue de reporting ;   
  • des référentiels comparables pour planifier la transition. 

Ces initiatives créent un terrain de jeu équitable. Elles réduisent les doublons et accélèrent la capacité d’un secteur entier à agir. Elles génèrent également une clarté collective qu’aucune organisation ne peut produire seule. 

C’est la direction dans laquelle nous observons le plus de progrès. Les secteurs qui s’organisent tôt prennent une avance décisive : ils façonnent les standards qui deviendront la norme, obtiennent de meilleures données des fournisseurs, gagnent la confiance des régulateurs et des investisseurs, et avancent plus vite car ils ne réinventent plus la roue à chaque projet. 

Earth Action joue souvent le rôle de moteur dans ces initiatives. Nous aidons les secteurs à structurer leurs données, aligner leurs méthodes et créer les conditions de la collaboration. L’objectif n’est pas de produire davantage de reporting, mais de construire les fondations partagées permettant de prendre de meilleures décisions et de mettre en œuvre des plans de transition crédibles. 

L’engagement fournisseur est désormais la frontière décisive 

Aucune organisation ne peut réduire le Scope 3 seule. La majorité des impacts — et des opportunités — se situe chez les fournisseurs. Les futurs plans de transition dépendront donc de la capacité à : 

  • obtenir des données fiables des fournisseurs ;   
  • aider les fournisseurs à améliorer leur propre capacité de calcul ;   
  • harmoniser les demandes pour éviter la fragmentation ;   
  • identifier les points chauds nécessitant une refonte ou une substitution ;   
  • créer des incitations pour encourager l’innovation fournisseur. 

Il ne s’agit pas d’un exercice de communication. L’engagement fournisseur est une discipline technique, opérationnelle et stratégique. Elle nécessite des règles claires, des données transparentes et des lignes directrices partagées. Les initiatives sectorielles peuvent simplifier ce processus de manière spectaculaire, ce qui confirme que l’action collective définira la prochaine phase du progrès climatique. 

Un paragraphe sur les résultats de la COP30 pour ancrer le contexte 

La COP30 n’a pas acté une sortie des combustibles fossiles, ni apporté de clarté sur les systèmes alimentaires ou la coopération industrielle. Elle a toutefois consolidé l’élan mondial sur l’adaptation, réaffirmé la centralité de la science et souligné l’importance de l’intégrité des données comme condition d’une action climatique efficace. Mais surtout, elle a confirmé que les négociations ne sont plus l’endroit où se résoudront les obstacles de mise en œuvre. Ces obstacles résident dans les données, les méthodes et les chaînes d’approvisionnement — et c’est là que doit se concentrer l’attention mondiale. 

Si votre secteur n’a pas encore commencé ce travail, le moment d’agir est maintenant 

Les secteurs qui réussiront dans la prochaine décennie seront ceux qui construiront tôt les bases partagées de la transition. Si votre industrie n’a pas encore de méthodologie commune, si les fournisseurs peinent à fournir des données exploitables, ou si les facteurs d’émission varient d’une entreprise à l’autre, c’est une opportunité de prendre le leadership. 

Earth Action peut vous accompagner dans la structuration d’une initiative précompétitive, la conception de méthodologies alignées, la construction de bases de facteurs d’émission partagées ou l’organisation de la collaboration fournisseur. Notre rôle : apporter la rigueur, la neutralité et l’assise scientifique permettant de passer d’efforts fragmentés à un progrès coordonné. 

Conclusion 

La COP30 a rendu une réalité impossible à ignorer : le monde ne peut pas mettre en œuvre ce qu’il ne peut pas mesurer. Le Scope 3 est l’endroit où la transition sera gagnée ou perdue, et les systèmes de données qui le soutiennent constituent l’infrastructure la plus stratégique de la prochaine décennie. Les construire n’est pas un exercice comptable : c’est la base de la compétitivité industrielle, de la stabilité financière et de la crédibilité climatique. 

La prochaine phase de l’action climatique appartiendra à ceux qui investissent dans la clarté : clarté des méthodes, des données, des priorités. Plus les secteurs s’organiseront tôt autour de cette réalité, plus vite ils transformeront l’ambition en impact. 

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