La réponses d’Earth Action sur la version 2.0 du standard SBTi pour la neutralité carbone des entreprises

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Marguerite Fauroux

Published: 

26 mai 2025

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L’initiative Science-Based Targets (SBTi) a publié une version préliminaire mise à jour de son Standard Net Zéro pour les entreprises, soumise à consultation publique. Cette nouvelle version introduit des changements structurels, de nouvelles méthodes et une plus grande flexibilité.  Si l’objectif est d’élever le niveau d’ambition, le risque existe cependant de basculer d’une logique d’action vers une logique de conformité

Chez Earth Action, nous avons analysé cette version provisoire et soumis notre réponse. Ci-dessous, nous présentons les principaux changements — et ce qu’ils impliquent pour les entreprises qui souhaitent jouer un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique.


Nouveautés de la version 2 du Corporate Net-Zero Standard


Engagement public obligatoire

Les entreprises devraient désormais s’engager publiquement à atteindre la neutralité carbone. Cet engagement devrait être pris avant la validation des objectifs par le SBTi, être approuvé par le comité directeur, et inclure une stratégie précisant comment l’objectif sera atteint.


Distinction entre les objectifs de scope 1 et de scope 2

Dans cette nouvelle version, les émissions de Scope 1 et Scope 2 devront faire l’objet d’objectifs distincts, contrairement au standard précédent qui permettait de les regrouper. Pour le Scope 2, les entreprises devront définir des objectifs à la fois selon l’approche « location » et selon l’approche « market ».


Nouvelle approche pour les émissions de scope 3

La nouvelle version du standard propose un changement dans la manière d’aborder les émissions de Scope 3. Plutôt que d’imposer un seuil fixe de couverture des émissions (67 %), les entreprises seraient tenues de se concentrer sur les sources d’émissions les plus significatives de leur chaîne de valeur. Les objectifs pourraient être définis selon l’une des trois approches suivantes : réduction absolue, réduction en intensité, ou alignement. 

L’introduction d’objectifs d’alignement — comme la part des achats réalisés auprès de fournisseurs eux-mêmes alignés sur la neutralité carbone — élargirait les façons dont les entreprises peuvent atteindre les objectifs.


Réduction indirecte, actions au-delà de la chaîne de valeur et élimination du dioxyde de carbone

La version 2 du Corporate Net-Zero Standard distingue trois mécanismes de contribution climatique situés en dehors des réductions directes d’émissions : la réduction indirecte, les actions au-delà de la chaîne de valeur (Beyond Value Chain Mitigation – BVCM) et l’élimination du dioxyde de carbone (Carbon Dioxide Removal – CDR).

Réduction indirecte : Il s’agit de mesures qui influencent les émissions de la chaîne de valeur mais ne peuvent pas être comptabilisées comme des réductions propres à l’entreprise. Ces actions — comme l’achat de carburant d’aviation durable via un système de type book-and-claim — sont envisagées dans les cas où la traçabilité n’est pas possible ou lorsque certaines sources d’émissions sont difficiles à maîtriser. Elles peuvent être utilisées, sous conditions définies, pour soutenir les objectifs de Scope 3.

Actions au-delà de la chaîne de valeur (BVCM) : Ce sont des mesures de réduction des émissions hors de la chaîne de valeur directe de l’entreprise, comme le financement de projets de reforestation. Bien qu’elles ne permettent pas d’atteindre les objectifs SBTi, le standard encourage leur utilisation comme un moyen pour les entreprises d’assumer leur part de responsabilité vis-à-vis des “émissions résiduelles” générées pendant leur transition vers la neutralité carbone.

Élimination du dioxyde de carbone (CDR) : Ce mécanisme vise à traiter les émissions résiduelles qui ne peuvent pas être éliminées autrement. Le standard permet aux entreprises de fixer des objectifs intermédiaires d’élimination avant 2050. Toutefois, ces actions d’élimination restent distinctes des objectifs de réduction à court et long terme.


Un cadre clarifié pour les déclarations et la communication climatique 

La version préliminaire introduit un cadre structurant pour encadrer la manière dont les entreprises communiquent leurs ambitions et avancées climatiques. Trois types de déclarations sont désormais clairement distingués : 

  • Les déclarations d’ambition, par exemple : « nous nous engageons à atteindre la neutralité carbone » ;
  • Les déclarations de progression, telles que : « nos objectifs de court terme ont été validés » ;
  • Les déclarations d’atteinte, comme : « nous avons atteint la neutralité carbone ».


La réponse d’Earth Action à la consultation publique


Un transfert de responsabilité climatique des entreprises vers leurs fournisseurs

La nouvelle version du standard met fortement l’accent sur l’approvisionnement auprès de fournisseurs alignés sur un objectif de neutralité carbone. Si cette approche favorise une certaine cohérence au sein de la chaîne de valeur, elle risque néanmoins d’inciter les entreprises à attendre que leurs fournisseurs agissent, plutôt qu’à réduire activement les émissions liées à leur propre chaîne d’approvisionnement. En liant les progrès réalisés au fait que les fournisseurs définissent (ou non) des objectifs, le cadre valorise l’attentisme plutôt que l’action.

Par ailleurs, cette logique renforce une vision de la décarbonation centrée sur l’amélioration des produits, plutôt que sur la réduction de leur quantité. Cela peut certes réduire l’intensité carbone, mais sans effet garanti sur les émissions globales. Or, les principaux organismes de référence sur le climat, comme le GIEC ou l’AIE, rappellent que les gains d’efficacité doivent impérativement s’accompagner d’une réduction des volumes produits et consommés. Sans incitations claires à revoir les modèles économiques ou à repenser les chaînes d’approvisionnement, les entreprises risquent surtout de perfectionner le statu quo – au lieu de le transformer en profondeur. 


Un éloignement des objectifs fondés sur la science

L’initiative SBTi reposait sur une idée simple : permettre aux entreprises d’aligner leurs trajectoires d’émissions sur l’Accord de Paris, à travers des objectifs de réduction clairs et quantifiés. La version 2 du Corporate Net-Zero Standard marque une rupture avec ce socle. Le standard maintient des objectifs chiffrés pour les Scopes 1 et 2, mais introduit pour le Scope 3 des objectifs d’alignements plus qualitatifs — ce qui affaiblit le lien avec le budget carbone. 

Cette approche rend plus difficile, en particulier pour les PME ne visant pas une validation complète par le SBTi, la compréhension de ce qui constitue un effort “suffisant”. Or, pour EA, le bilan carbone et la modélisation de trajectoires sont des outils essentiels : ils constituent le socle d’une stratégie climatique crédible et actionnable. Si cette clarté méthodologique disparaît, on risque de perdre ce qui faisait la force du SBTi : une définition partagée de l’ambition climatique crédible.

Pour de nombreuses entreprises — en particulier dans les secteurs de l’énergie, du transport et de l’industrie — les émissions liées à l’usage des produits vendus représentent la majeure partie de leur bilan carbone. La version préliminaire du standard introduit des objectifs d’alignement pour ces émissions, mais sans définir de manière précise ce qu’est un produit “aligné net zéro”. Cette absence de définition est problématique, car ce concept est au cœur de la nouvelle version du standard. Sans critères clairs, les entreprises se retrouvent sans ligne directrice pour repenser et transformer leur portefeuille de produits.


Une complexité qui menace l’action

Le nouveau standard est très compliqué, il introduit plusieurs types d’objectifs, des exigences conditionnelles et des critères qui se recoupent, rendant l’ensemble difficile à appréhender. Si les grandes entreprises dotées d’équipes dédiées à la durabilité peuvent absorber cette complexité, les petites et moyennes entreprises (PME) risquent de rencontrer des obstacles majeurs pour définir des objectifs SBTi. 

Même les entreprises disposant de ressources suffisantes devront consacrer un temps considérable à analyser les critères, valider les options, et mobiliser des experts tiers pour les vérifications — souvent au détriment de la mise en œuvre d’actions concrètes.

Une complexité sans cap clair

La version préliminaire du standard exige que les entreprises publient des plans de transition, mais sans évaluer la crédibilité ni l’ambition de ces plans. Aucune vérification n’est prévue sur la manière dont les objectifs seront atteints. 

Le SBTi devrait exiger la publication de plans de transition détaillés et quantifiés. Il devrait également fournir des méthodologies communes permettant de modéliser les actions, d’intégrer la croissance de l’activité, et de prendre en compte les réductions exogènes à l’échelle des pays.

Une meilleure clarté est également nécessaire concernant la réduction indirecte, les contributions au-delà de la chaîne de valeur, et les mécanismes de captation carbone. Ces leviers sont souvent mal compris et interprétés à tort comme des alternatives à la réduction des émissions propres. Le standard devrait établir une distinction beaucoup plus nette entre la réduction de l’empreinte directe et les mécanismes indirects. C’est pour cette raison que, chez Earth Action, nous préférons nous aligner sur le cadre proposé par la Net Zero Initiative (NZI), qui offre une structuration plus claire. Ce cadre distingue : les émissions propres à l’entreprise (Pilier A), sa contribution à la réduction des émissions d’autres acteurs, y compris la réduction indirecte et les contributions au-delà de la chaîne de valeur (Pilier B), et les actions visant à renforcer les puits de carbone, comme les mécanismes de captation (Pilier C). Nous pensons que cette structure devrait être davantage reflétée dans le standard du SBTi.

Par ailleurs, le SBTi devrait reconsidérer l’exclusion des émissions évitées – ces émissions que l’entreprise permet d’éviter grâce à ses activités, produits ou services. Bien qu’elles ne doivent pas permettre de réduire le bilan carbone de l’entreprise, elles mériteraient d’être reconnues comme partie intégrante de la contribution d’une entreprise à la neutralité carbone mondiale.


Conclusion : recentrer l’ambition sur l’action réelle

La version 2 du Net-Zero Standard du SBTi risque de devenir un cadre complexe qui exige des objectifs, sans s’assurer de l’existence de plans pour les atteindre. Nous appelons à un rééquilibrage vers le “comment”.

Les entreprises ont besoin de soutien pour modéliser de véritables plans de transition, comprendre leur empreinte carbone et définir des stratégies crédibles, ambitieuses et réalisables. 

C’est d’autant plus essentiel aujourd’hui, à un moment où les objectifs climatiques ne sont plus une option, mais une attente incontournable. 

Chez Earth Action, nous accompagnons les organisations qui veulent dépasser la simple conformité pour engager une véritable transformation. Nous sommes convaincus que des données fiables, une stratégie crédible et des actions concrètes et ambitieuses sont les clés d’une transition climatique réussie.

Prenez contact avec Earth Action pour bénéficier d’une expertise reconnue en stratégie climatique.



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